Les chats des îles Kerguelen, la bête noire des albatros | Polarjournal
Les chats harets sont les descendants d’animaux domestiques retournés à l’état sauvage. Parmi les prédateurs terrestres, ils jouent un rôle majeur dans la démographie du grand albatros à Kerguelen. Photomontage : Camille Lin

Les mammifères introduits dans les îles bénéficient de « l’effet de surprise » à l’échelle de l’évolution et provoquent la disparition de nombreux oiseaux marins. À Kerguelen, des chats hyperspécialisés menacent les poussins des grands albatros.

À l’autre bout des territoires français d’outre-mer, les chats des îles Kerguelen font couler du sang et de l’encre. Le 18 février dernier, la revue scientifique Ecosphère a publié une étude qui montre que la survie des poussins d’albatros dans les colonies de la péninsule Courbet ne dépend pas de la densité de chats, mais plutôt de la présence d’individus spécialisés dans la chasse aux poussins. Revenons sur l’histoire de cet animal.

Le petit félin, compagnon des explorateurs, des chasseurs, puis des fermiers, a été introduit à plusieurs reprises. La dernière (entre 1951 et 1956) a provoqué une invasion biologique sur l’archipel. Le nombre de chats est estimé à 7 000 individus en 1990, qui laissent sur leur passage de nombreuses dépouilles d’oiseaux de mer. En 2014 et 2017, ce qui se révélait vrai pour les petits volatiles l’est devenu pour les plus gros.

Parmi les chats mangeurs d’albatros, il y a de gros spécimens pesant presque cinq kilogrammes. Les études sur l’évolution de ces fauves montrent que leur squelette s’est renforcé au niveau du crâne et des mâchoires. Ces « petites panthères » sont noires et blanches, et quand elles ne prennent pas pour refuge des sous-terrain, elles s’abritent dans des petites cavernes rocheuses, jonchées de squelettes, de plumes et parfois d’autres congénères.

Vivant de nuit comme de jour, elles patrouillent un territoire d’environ 50 hectares, attrapent des souris dans les parterres herbeux et attendent les lapins à la sortie des terriers. Les poussins d’albatros plus dodus et duveteux sont intéressants juste avant l’hiver, quand les adultes sont en mer.

Contrairement à 2017, les auteurs de l’étude n’ont documenté que des attaques nocturnes, peut-être en raison de la présence quotidienne de biologistes sur le terrain. Crédit : Pierrick Blanchard / UT3 / CRBE / CEBC

Selon l’étude, environ un tiers des chats identifiés près des nids passent à l’action. Contrairement aux autres chats, ils seraient hyperspécialisés, ajoutant les poussins des grands albatros à leur menu. Ce qui représente un défi pour cet archipel inhabité, grand comme la Corse. En organisant leur chasse, la Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises limite la présence des félins autour de la péninsule Courbet, où se reproduisent 348 couples de grands albatros. D’autres poussins pourraient être concernés, comme ceux des manchots papous.

Camille Lin, PolarJournal

Lien vers l’étude : Blanchard, P., Delord, K., Bodin, A., Guille, K., Getti, T., Barbraud, C., 2024. Impact and control of feral cats preying on wandering albatrosses: Insights from a field experiment. Ecosphere 15, e4792. https://doi.org/10.1002/ecs2.4792.

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