Après avoir cédé à la pression d’une centaine de recours, la Cour suprême administrative finlandaise a invalidé les élections de 2023 organisées par la Commission électorale du Parlement Sami. Soixante-douze personnes vont être ajoutées de force au corps électoral pour les prochaines élections de juin. Selon les organismes internationaux qui luttent pour le respect des droits des populations autochtones, il s’agit d’un moyen d’influencer le vote en faveur des non Samis.
Les Samis de Finlande seront appelés aux urnes le 24 juin pour voter et déterminer, à nouveau, les 21 membres du Parlement Sami de Finlande ainsi que ses quatre membres suppléants. Cette réélection a été lancée en mars suite à une décision de la Cour suprême administrative finlandaise, qui invalide le résultat des élections de 2023. Le motif : le rejet d’une soixante-dizaine de personnes voulant accéder au corps électoral par la Commission électorale du Parlement Sami, parce qu’elle ne les reconnait pas comme samis. « Une situation absurde où une cour de justice administrative finnoise pensent que ces personnes sont Samis, alors que les Samis pensent qu’ils ne le sont pas », nous explique Aslak Holmberg, président du Conseil Sami, une ONG qui représente ce peuple depuis 1956.
En effet, la cour suprême administrative a décidé de répondre favorablement à certains recours de la centaine qu’elle a reçus concernant la liste électorale après les résultats de 2023. « La Cour suprême administrative aura le dernier mot sur qui peut prendre part à ces élections, pourtant, c’est une cour finlandaise et elle n’a aucune compétence spéciale à propos de la culture Sami ou du peuple Sami », explique le président du Conseil Sami.
Cette situation a été reportée devant la Commission des droits de l’Homme et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies. « Ils concluent tous deux que la Finlande viole le droit à l’autodétermination et à la liberté de représentation politique des Samis. Ils considèrent que la Cour suprême administrative influence les résultats du vote en ajoutant des personnes sur la liste électorale », nous explique Aslak Holmberg.
Fabian Salvioli, rapporteur spécial du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies a déclaré en mars dernier : « la Finlande doit réviser la loi sur le Parlement Sami afin de la rendre conforme aux normes internationales et aux mécanismes juridiques internationaux de protection des droits humains. Les progrès réalisés dans ce domaine permettront de mesurer l’engagement réel de la Finlande en faveur des droits des peuples autochtones. »
Pour l’instant, cette instance politique représentant le peuple Sami a un rôle consultatif dans certaines affaires concernant son territoire, telles que l’utilisation des terres et des eaux, et le respect des traditions. Le Parlement Sami « joue un rôle important dans la protection du mode de vie sami, comme l’élevage des rennes et la pêche par exemple », explique Aslak Holmberg, originaire de la Tenojoki – à cheval entre la Norvège et la Finlande.
La pêche au saumon y est à la base de la culture et du mode de subsistance. Cette pêcherie voit arriver une nouvelle espèce de saumon par centaine de milliers. Ils sont classés nuisibles en Norvège où « les Samis n’ont pas n’ont pas non plus leur mot à dire quant à sa gestion », constate-t-il.
Vers un consensus
Le rôle consultatif du parlement n’est pas souvent suivi par les autres institutions finlandaises, selon lui : « Nous avons été par exemple inclus dans des procédés concernant l’action de l’État dans les parcs et forêts, et même si nous avons dit être totalement en désaccord, notre avis n’a pas été pris en compte. »
Dans un rapport publié fin mai sur les droits internationaux des peuples autochtones et les avancées en Finlande, le Conseil finlandais de la vérité et la réconciliation avec le peuple Sami – institué par le gouvernement en 2021 – abonde en ce sens. Le rapport souligne que le processus de réconciliation, après « une progression de la situation du peuple Sami en Finlande, semble s’être arrêté ou avoir perdu de sa cohérence. »
Il préconise de modifier la loi pour que le Parlement Sami soit inclus dans un processus décisionnaire, où son avis compte réellement pour atteindre un consensus. C’est le principe de « Free, prior and informed consent (FPIC) » décrit par les Nations Unies.
Le peuple Sami en Finlande s’est vu privé de ses terres ancestrales qui sont actuellement dans le domaine public. « Ce qui est contesté parce qu’il n’existe aucun document officiel qui montre comment l’Etat a obtenu ces droits et les propriétés de ces villages », rappelle Aslak Holmberg. Les Samis sont aujourd’hui en minorité dans la plupart des municipalités où non Sami ont une position de force. Les Samis n’occupent pas non plus de postes décisionnaires au niveau national.
Les sujets brûlants de gouvernance, derrière ces différends, sur le territoire sami recoupent le développement économique et la transition énergétique. Des projets d’exploitation minière et d’extraction de minerais rares, ainsi que le développement de l’énergie éolienne ne font pas l’unanimité. Des Samis se sont plusieurs fois interposés contre des projets miniers en Sandinavie, depuis 2015 à Ohcejohka ou encore à Enontekiö en 2020.
Le Conseil finlandais de la vérité et la réconciliation avec le peuple Sami recommande à l’Etat d’inclure le Parlement Sami sur ces sujets selon le principe du « Free, prior and informed consent (FPIC) », et les nouvelles élections prévues en juin ne vont pas dans le sens de la réconciliation.
Camille Lin, Polar Journal AG
Lien vers le rapport : Martin Scheinin, Kansainväliset alkuperäiskansaoikeudet ja niiden toteutuminen Suomessa : Selvitys saamelaisten totuus- ja sovintokomissiolle, 2024, Truth and Reconciliation Commission.
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