Tiré d’un roman à succès, Stöld sort enfin sur les écrans. Disponible depuis avril sur Netflix, cette production same narre dans un thriller haletant l’histoire d’une jeune femme qui se dresse contre la violence et les discriminations faites à son peuple.
Elsa a neuf ans. Elle vit avec ses parents éleveurs de rennes, son frère et sa grand-mère dans la Laponie suédoise. Conformément aux traditions sames, Elsa se voit attribuer un petit renne tout blanc qu’elle baptise Nástegallu. Avec sa jolie tâche en forme d’étoile sur le front, le faon devient l’objet d’affection de la petite fille qui le gâte en lui offrant profusion de lichens, malgré les affectueuses remontrances de son père.
Le tableau aurait pu être idyllique pour une enfance qui aurait pu s’écouler paisiblement entre l’école, les rennes et les balades à ski dans les forêts enneigées de Laponie. Mais il y a une ombre dans ce tableau et elle prend les traits d’un tueur de rennes.
Depuis quelque temps, les cadavres mutilés des rennes s’entassent et les éleveurs assistent impuissants à ce massacre. Les plaintes déposées auprès de la police ne donnent rien et les autorités n’agissent guère pour protéger les troupeaux dont dépendent les Sames. Un jour, alors qu’elle se rend seule à l’enclos, Elsa assiste à la mise à mort brutale de Nástegallu et reconnaît le criminel. Menacée par ce dernier et effrayée, la petite fille n’a d’autre choix que de taire l’identité du tueur à ses parents et à la police.
Mais les enfants grandissent et dix ans plus tard, on retrouve une Elsa devenue institutrice dans l’école du village. Elle partage désormais son temps entre enseignement en same et élevage de rennes. Les discriminations et les menaces à l’égard de son peuple n’ont pas cessé, de même que les meurtres de rennes traités comme des vols de bétail par une police toujours aussi peu pressée d’intervenir, alors que le responsable est déjà bien identifié. Suédois pur sucre, le personnage de Robert voue une haine sans bornes aux Sames et s’en prend sadiquement à leurs troupeaux, espérant voir ces populations dégager d’un territoire qu’il considère comme légitimement le sien. Face à ce sombre personnage, les hésitations à agir de ses pairs et l’indifférence des autorités, Elsa, la rage au ventre, osera s’élever contre les discriminations et les violences faites à l’encontre de son peuple et de sa culture.
Sorti le 12 avril dernier sur Netflix, le film rencontre depuis un vif succès sur la plateforme et on comprend pourquoi. Avec un casting et une équipe de tournage sames, Stöld met en avant les problématiques rencontrées par le dernier peuple autochtone d’Europe. Discriminations et xénophobie se conjuguent aux enjeux posés par le réchauffement climatique qui réduit l’habitat naturel des rennes et par l’exploitation des ressources minières qui menace les Sames.
Alternant avec des images d’une beauté à couper le souffle principalement tournées en Laponie suédoise et norvégienne, les difficultés quotidiennes du peuple du renne sont narrées entre alcoolisme, suicide et absence de perspectives qui rongent une communauté dont le futur semble incertain.
Directement tiré du roman du même nom sorti en 2021, le film a été dirigé par une réalisatrice same, Elle Márjá Eira et le scénario co-écrit par Ann-Helén Laestadius, dont le livre avait déjà rencontré un immense succès public et critique et récolté nombre de prix. Une œuvre filmographique et bibliographique à découvrir d’urgence.
Film : Stöld d’Elle Márjá Eira, avec Elin Oskal, Magnus Kuhmunen, Dakota Trancher Williams, Martin Wallström, Suède, 2024, 105 minutes. Disponible sur Netflix en VOST (same du nord) et en plusieurs versions traduites.
Livre : Ann-Helén Laestadius, Stöld, Robert Laffont, Pavillons, 2022, ISBN 2221257294
Mirjana Binggeli, PolarJournal AG
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