Exercices de courtoisie au bord de la banquise arctique | Polarjournal
Escorte du BSAM Rhône de la Marine Nationale Française. Image : Guillaume Robin / Studio Ponant / Marine Nationale française

Les marines nationales française, danoise et islandaise se sont exercées aux manœuvres de recherche et de sauvetage en mer avec le plus puissant des brise-glaces de la zone OTAN, un paquebot de tourisme battant le pavillon français de Wallis et Futuna.

La Chine vient d’achever la construction du troisième brise-glace de recherche Ji Di. Le premier brise-glace de combat russe Ivan Papanin est actuellement à l’essai dans les eaux libres proches des chantiers de l’Amirauté à Saint-Pétersbourg. Du côté de la zone OTAN pour l’Arctique, les patrouilleurs « gris » à capacité glace existent, mais les escorteurs et ravitailleurs nationaux ne sont pas au niveau de ceux de la Fédération de Russie. « C’est que l’OTAN est loin d’avoir les mêmes capacités glace que les Russes », remarquait Rasmus Nygaard, ingénieur naval, à Polar Journal AG en avril dernier. Ainsi, le navire de croisière Le Commandant Charcot reste le brise-glace le plus performant de la zone nord atlantique. Battant le pavillon français, sa présence dans l’Arctique en période estivale a permis la mise en œuvre de plusieurs exercices successifs pendant la seconde moitié de juin, coordonnés entre le paquebot et quelques bâtiments de guerre, issus de différents pays de l’OTAN. « Non pas à des fins militaires », nous a expliqué le commandant de frégate (CF) Willy il y a quelques jours dans l’enceinte de la préfecture maritime. « Le navire de croisière a des objectifs commerciaux, distincts de ceux de la Marine. » Le CF Willy est chargé de la planification des opérations de l’Atlantique, qu’ils pilotent depuis les souterrains du château de Brest.

Vue de la passerelle du brise-glace, le BSAM Rhône (70 mètres) est à flot entre des plaques de glace. Les deux navires ont un hélicoptère. Image : Marine Nationale Française

Ce poste de commandement assure la coordination de la flotte de navires et de sous-marins de la Marine nationale ainsi que les avions de surveillance. « Nous avons des missions de lutte contre les pollutions, de sécurité et de surveillance de la piraterie », explique l’officier. Les eaux au-delà du cercle polaire sont aussi stratégiques. « Cela fait longtemps que nous y sommes pour contrôler, savoir où sont les sous-marins russes et être capables d’envoyer les nôtres », précise-t-il au cours de l’entretien. Au mois de juin, les exercices consistaient à un entraînement de recherche et sauvetage en mer. Cette zone est éloignée du trafic maritime. « Il faut donc pouvoir compter sur les moyens hauturiers de différents pays », ajoute-t-il.

Le HDMS Triton (112 mètres) dispose d’un certain nombre de renforts dans la coque qui lui confèrent une capacité glace. Image : Marine Nationale Française

La frégate danoise HDMS Triton et Le Commandant Charcot se sont rencontrés près d’Ittoqqortoormiit aux alentours du 14 juin. Un code Bravo a été déclenché, pour simuler un feu à bord et l’évacuation d’un blessé par hélitreuillage. « Le souffle de l’hélicoptère était puissant, si bien que des civils ont été couchés sur la banquise », nous a confié un passager qui avait pris part à la croisière. Une fois la mission accomplie, le brise-glace a escorté la frégate avant d’enter dans une polynie, sans pouvoir rejoindre Ittoqqortoormiit, 12 mètres d’épaisseur de banquise leur ayant barré la route. Ils se sont donc laissés prendre dans la glace. « Cela regèle vite », précise l’officier. Puis Le Commandant Charcot a sorti HDMS Triton de l’emprise des eaux glacées en lui tournant autour. « Je pense que le bord de l’HDMS Triton était content d’avoir du monde pour s’entrainer », remarque CF Willy.

Ceci est un exercice. Image : Guillaume Robin / Studio Ponant / Marine Nationale française

Le navire de surveillance BSAM Rhône, de la Marine nationale, arrivé sur place plus tard, s’est ensuite exercé avec Le Commandant Charcot à quelques manœuvres. Escorte, remorquage, incendie et homme à la mer, plusieurs configurations ont été répétées. « L’exercice Tugallik 24 nous a permis de renforcer les liens avec Le Commandant Charcot, nos pilotes de glace et les leurs sont formés par l’École Nationale Supérieure Maritime à Marseille », précise CF Willy. Pendant la manœuvre, des officiers de la marine sont venus à bord du paquebot observer le pilotage du commandant Marchesseau.

Pour la compagnie Ponant, il s’agit là peut-être d’envoyer un message en prenant part à ces exercices. Elle montre ses capacités d’assistance, d’intervention en milieu polaire et de coopération entre pavillons. Les opération se sont terminées avec le navire des gardes-côtes islandais Thor (Þór). Le Commandant Charcot s’est également laissé remorquer en toute courtoisie.

Camille Lin, Polar Journal AG

Les mots du capitaine Patrick Marchesseau :

« Nous avons effectivement effectué pour la première fois une manœuvre d’extraction de la glace afin de libérer un autre navire bloqué. C’est une manœuvre très délicate, car il faut passer assez près du navire et lui ouvrir un chenal, sans toutefois le compresser ou le renfermer davantage en repoussant des morceaux de glace vers lui, lors de notre passage, et encore moins entrer en collision. Il faut avoir une parfaite maîtrise de la puissance et des qualités manœuvrière de son navire. Pour cette opération, nous avons utilisé 50 % de la puissance maximale du navire. »

« Les conditions météo étaient plutôt clémentes avec peu de vent, si ce n’est parfois du brouillard… ce qui rendait plus délicat la navigation en convoi dans la glace, considérant que la distance entre les deux navires était réduite à environ 500 mètres. »

« Lorsqu’on exploite un navire d’expédition en milieu polaire, il faut toujours garder en tête quels sont les moyens SAR [Recherche et le sauvetage en mer, NDLR] auxquels nous devrions faire appel en cas de problème. En l’occurrence, cette interaction avec la marine danoise nous a permis de mieux connaître la capacité glace de leur navire avec la projection d’un hélicoptère, vecteur indispensable lors d’une opération SAR qui accroît fortement leur rayon d’action. »

En savoir plus sur le sujet :

error: Content is protected !!
Share This