Une équipe internationale de physiciens et de ballonniers a fait voler lors du solstice d’été un vaisseau aérien rempli d’hélium entre la Suède et le Canada afin d’étudier l’atmosphère depuis ce haut perchoir.
Huit cent mille mètres cubes d’hélium et une toile légère de 15 microns d’épaisseur, un ballon géant suspend dans la stratosphère une nacelle dépourvue d’aéronaute remplie de 900 kilogrammes d’instruments branchés sur batteries. Le 26 juin dernier, l’engin a atterri sur les étendues neigeuses de l’île de Baffin après 4 000 kilomètres de course. Piloté à distance par l’agence spatiale française (CNES), il s’est envolé entre le nord de la Suède et le nord du Canada. Une première. Habituellement, le CNES utilise la piste de la station spatiale suédoise Esrange, près de Kiruna, comme terrain de lancement. Des ballonniers gonflent des « ballons stratosphériques ouverts », selon leur jargon, pour l’étude de l’atmosphère. Mais ils ne volent pas plus de 12 heures, évitant ainsi d’atterrir dans l’océan, préférant le sol ferme de la Norvège. « Rester en Suède est encore plus simple pour les formalités », précise Valéry Catoire, chercheur au LPC2E et investigateur principal de la mission.
Le solstice d’été semblait être idéal pour une traversée aérienne aussi longue, d’après une étude préalable envisageant le franchissement des mers du Groenland et du Labrador avec ce type de navire aérien. Date propice aux vents qui s’écoulent à 40 kilomètres d’altitude, d’est en ouest. Après le mois d’août, ces courants s’inversent, « en hiver à Kiruna, on a peur d’atterrir en Russie », explique le chercheur. « Là, on était sûr de partir vers le Canada en suivant les couches horizontales de la stratosphère. » Le 22 juin à 20 h 55, le CNES a lâché l’aéronef, s’élevant perpendiculairement au-dessus des tourbières du territoire Sami, pour 4 000 kilomètres de suspension. À l’allure d’un passereau, le mastodonte a dérivé pendant 92 heures au-dessus de l’Arctique. « Les vents sont restés dans le bon sens », ajoute-t-il.
L’énergie nécessaire au fonctionnement de l’instrumentation a également été prise en compte au préalable. Six mètres carrés de panneaux photovoltaïques ont produit les 1 000 W nécessaires à divers apparaux et instruments scientifiques. L’installation pivotait comme un tournesol suivant la course perpétuelle du Soleil.
Une équipe suédoise observait les nuages de cristaux au-dessus du ballon (à 80 kilomètres d’altitude) par l’intermédiaire de leur spectromètre. Un sondeur d’ondes détectait les rayonnements gamma. Le spectroscope Osiris-3 de l’Université de la Saskatchewan servait de test pour un futur programme spatial. Dioxyde de carbone, protoxyde d’azote et méthane, l’atmosphère était continuellement sous surveillance, là où les satellites ne passent que brièvement dans la journée. « On recevait certaines données au sol », se souvient-il. « Mais les données sont encore dans la boite noire, au Canada. »
À la hauteur du Groenland, un relais terrestre installé à Kangerlussuaq a permis de rester connecté avec la nef. Les pilotes du CNES ont contrôlé la hauteur du ballon en lâchant du lest ou en laissant échapper de l’hélium.
L’agence spatiale canadienne a réceptionné la nacelle le 26 juin à 145 kilomètres au sud-est de la ville de Mittimatalik – signifiant lieu d’atterrissage en inuktitut. « On espérait que la nacelle retombe correctement pour ne pas perdre les données », explique le physicien. Un hélicoptère est venu la chercher le 29. Un avion-cargo l’a déplacé vers Iqaluit, à 900 kilomètres au sud. Le berceau et le matériel attend de rejoindre Montréal, avant la transatlantique, retour vers l’Europe.
Camille Lin, Polar Journal AG
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