Cette critique souligne l’irritation du gouvernement du Groenland face au manque de communication de la part des chercheurs venant de l’étranger.
Une étude publiée dans la revue scientifique Science a fait la une des journaux du monde entier – et du Polar Journal AG hier – lorsqu’elle a révélé que, l’année dernière, un glissement de terrain avait déclenché un méga-tsunami qui s’est répercuté dans le fjord de Dickson pendant neuf jours.
À Nuuk, la capitale du Groenland, la nouvelle en a surpris certains, y compris des membres du gouvernement groenlandais. Deux d’entre eux, Naaja H. Nathanielsen, ministre de l’Industrie, du Commerce, des Minéraux, de la Justice et de l’Egalité des sexes, et Kalistat Lund, ministre de l’agriculture, de l’autosuffisance, de l’énergie et de l’environnement, ont été tellement surpris qu’ils ont publié une déclaration commune.
Ils y critiquent l’institut de recherche à l’origine de l’étude, GEUS, pour ne pas avoir informé leur gouvernement des résultats de l’étude.
« Il s’agit d’une recherche intéressante et socialement pertinente, mais en même temps, il est inquiétant que le public puisse prendre connaissance, sans avertissement, des résultats d’une recherche qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses.
« Le gouvernement du Groenland n’a pas été informé des nouveaux résultats obtenus dans le fjord Dickson. Cette situation n’est pas satisfaisante et le GEUS sera donc contacté afin d’améliorer la communication à l’avenir », peut-on lire dans la déclaration.
GEUS regrette une mauvaise communication
GEUS (Geological Survey of Denmark and Greenland) est une institution de recherche indépendante financée par le ministère danois du climat, de l’énergie et des services publics. Sa charte inclut la conduite de recherches géologiques et sismologiques au Groenland, et c’est pour cette raison qu’il dispose d’un bureau à Nuuk et de diverses activités dans le pays.
Mais dans ce cas, il semblerait que ses liens avec le gouvernement groenlandais n’aient pas été suffisamment pris en compte.
Dans une déclaration au journal groenlandais Sermitsiaq, la responsable de la communication de GEUS, Anja Fonseca, regrette que le gouvernement ne se soit pas « senti » correctement informé.
« Il est regrettable que Naalakkersuisut [le gouvernement du Groenland] estime ne pas avoir été informé de l’étude menée à Dickson Fjord. Nous allons engager le dialogue directement avec nos bons partenaires des autorités groenlandaises, et nous n’avons donc pas d’autres commentaires à formuler », a déclaré Anja Fonseca à Sermitsiaq dans un commentaire écrit.
Un groupe de travail pour minimiser les risques
Dans leur déclaration, les deux ministres soulignent le fait que la recherche porte sur des informations qui pourraient potentiellement sauver le public d’un danger.
« En cas de catastrophe naturelle, il est essentiel que toutes les informations parviennent aux autorités compétentes le plus rapidement possible. Naalakkersuisut [le gouvernement Groenlandais] travaille d’arrache-pied pour cartographier les zones présentant un risque accru de glissements de terrain. Ce travail vise à minimiser les risques pour nos activités quotidiennes dans les fjords en étant capable de comprendre et éventuellement de prédire de telles situations dangereuses », peut-on lire dans le communiqué.
C’est pourquoi le gouvernement du Groenland a mis en place un groupe de travail pour assurer « une préparation efficace et une communication claire » afin que la population puisse être informée rapidement en cas de glissements de terrain.
« Dans ce contexte, les connaissances locales sont d’une grande valeur. Nous encourageons toute personne ayant des observations pouvant être liées à des roches et des pentes instables à nous envoyer un formulaire de rapport via le site web https://govmin.gl/da/fjeldskred/« , écrivent les ministres.
La recherche devrait bénéficier au Groenland
Dans la partie finale de la déclaration, une tournure de phrase semble importante à noter : « les connaissances locales sont d’une grande valeur ».
Cela va de pair avec la stratégie nationale de recherche du Groenland pour 2022-2030, publiée au début de l’année 2023. Dans cette stratégie, le gouvernement a exprimé le souhait que « les chercheurs fassent davantage pour inclure des connaissances originales et locales dans leurs projets de recherche. »
Cette décision fait suite à un sentiment général à Nuuk selon lequel certains chercheurs viennent dans le pays sans rien donner en retour aux personnes dont les terres font l’objet de leurs recherches. En 2019, ce sentiment a été l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement du Groenland s’est associé au gouvernement danois pour créer le secrétariat international de diffusion de la recherche Arctic Hub.
Le manque de communication de la part du GEUS va donc directement à l’encontre de ce que le gouvernement du Groenland, selon sa stratégie de recherche, attend de la recherche menée au Groenland, à savoir qu’elle soit « d’abord et avant tout bénéfique pour le Groenland ».
En lisant entre les lignes de la déclaration des ministres, il semblerait que le gouvernement du Groenland ne soit pas satisfait des efforts déployés pour le tenir informé des recherches menées dans son pays. Et qu’en cas de nouvelles infractions, la prochaine étape, plutôt que des déclarations fermes, pourrait être une nouvelle législation qui forcerait les choses.
Ole Ellekrog, Polar Journal AG
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