La rétrospective polaire – L’Assemblée du cercle arctique 2024, entre routine et nouveau ton | Polarjournal
À première vue, tout se passe comme d’habitude : l’Arctic Circle nous appelle et des milliers d’acteurs sont attendus. Pourtant, cette année a été un peu différente. Photo : Arctic Circle

La rétrospective polaire revient sur les événements de la semaine écoulée liés à l’Arctique et à l’Antarctique et se concentre sur un ou plusieurs aspects. Bien entendu, l’Arctic Circle Assembly de cette année, le plus grand rassemblement des acteurs de l’Arctique, occupe le devant de la scène, car il s’agissait d’un mélange entre les affaires courantes et un ton nouveau soulignant de nouvelles réalités (politiques).

L’Arctic Circle Assembly, qui se tient chaque année à Reykjavik en Islande, est devenue un forum central pour le dialogue et la coopération sur les affaires arctiques. Alors que les éditions précédentes étaient axées sur le développement durable et la collaboration scientifique, l’édition 2024 a vu une nette évolution vers les questions de sécurité. Ce changement d’orientation reflète les tensions géopolitiques croissantes dans le Grand Nord, alimentées par la guerre en Ukraine et la concurrence accrue des grandes puissances, notamment entre la Russie et la Chine d’une part, et les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN d’autre part.

Cette évolution s’est manifestée tout au long de l’Assemblée, depuis les discours d’ouverture jusqu’aux nombreuses séances en petits groupes. Les discussions et les présentations ont mis en évidence les inquiétudes croissantes liées à la militarisation, à la concurrence pour les ressources et au risque de conflit dans la région. La situation était particulièrement intéressante du point de vue de la Chine, représentée par l’envoyé spécial chinois pour le changement climatique, Liu Zhenmin.

Les ambitions de la Chine dans l’Arctique suscitent des inquiétudes

L’un des thèmes les plus importants de l’Assemblée a été l’inquiétude croissante que suscite la présence grandissante de la Chine dans l’Arctique. L’intérêt de Pékin pour la région est multiforme et englobe la recherche scientifique, les investissements économiques dans les infrastructures et l’extraction des ressources et, de plus en plus, les capacités militaires. Cette situation a suscité l’appréhension des États arctiques et des alliés de l’OTAN, qui s’inquiètent des objectifs stratégiques à long terme de la Chine et de ses intentions opaques.

L’amiral Rob Bauer a souligné la position de l’OTAN dans l’Arctique et a particulièrement pointé du doigt la Chine. Photo : Arctic Circle

L’amiral Rob Bauer, président du Comité militaire de l’OTAN, a exprimé ses inquiétudes dans son discours, en soulignant le partenariat naissant entre la Chine et la Russie. Ce partenariat, qui comprend des exercices militaires conjoints et le développement potentiel d’infrastructures, est perçu comme un défi pour l’architecture de sécurité existante dans l’Arctique. M. Bauer a insisté sur la nécessité d’une vigilance et d’une transparence accrues à l’égard des activités de la Chine dans la région, car les intentions réelles de la Chine n’apparaissent pas clairement à l’OTAN.

L’OTAN renforce sa position dans l’Arctique

Face à l’évolution de l’environnement de sécurité, l’OTAN a réaffirmé son engagement en faveur de la sauvegarde de l’Arctique. Le concept stratégique 2022 de l’Alliance identifie la région comme une zone d’importance stratégique, et cet engagement a été réitéré par plusieurs responsables de l’OTAN lors de l’Assemblée. Dans son discours et dans les interviews qui ont suivi, l’amiral Bauer a souligné la nécessité d’une meilleure connaissance de la situation et d’une « présence avancée renforcée » dans le Grand Nord pour faire face aux menaces potentielles. Il s’agit notamment de renforcer les capacités de surveillance, de mener des exercices militaires plus fréquents et d’accroître éventuellement le déploiement de troupes et d’équipements dans la région. À plusieurs reprises au cours de l’Assemblée, les représentants des partenaires de l’OTAN ont également souligné l’importance du renforcement du partage du renseignement et de la coopération avec les États non arctiques, y compris la Chine, pour relever des défis communs tels que le changement climatique et les opérations de recherche et de sauvetage, comme l’indiquent les documents officiels de l’OTAN sur la politique arctique.

Les États-Unis dévoilent une stratégie robuste pour l’Arctique

Les États-Unis ont également signalé une approche plus affirmée de la sécurité dans l’Arctique lors de l’Assemblée, en lançant leur stratégie nationale actualisée pour la région arctique. Cette stratégie, détaillée dans le document officiel publié par la Maison Blanche, donne la priorité au renforcement des capacités militaires américaines dans l’Arctique, à l’amélioration de la connaissance du domaine et à la lutte contre l’influence de la Russie et de la Chine. Elle souligne également l’importance de la protection des infrastructures critiques, de la promotion d’un développement responsable des ressources et du respect de la liberté de navigation. Cette stratégie actualisée souligne la volonté des États-Unis de conserver un rôle de premier plan dans l’Arctique et de préserver leurs intérêts nationaux.

Conscients du fait qu’ils ne disposent pas (encore) des ressources nécessaires, les États-Unis renforcent les partenariats et les alliances avec leurs partenaires de l’OTAN et maintiennent les canaux de communication ouverts afin d’éviter les situations difficiles avec la Russie et la Chine, comme l’a souligné le contre-amiral Andrew Sugimoto, des garde-côtes américains.

Sécurité énergétique européenne et ressources arctiques

La guerre en Ukraine a révélé la vulnérabilité de l’Europe aux perturbations énergétiques et mis en évidence la nécessité de diversifier les sources d’énergie. Les vastes réserves de pétrole et de gaz de l’Arctique sont considérées comme une solution potentielle pour réduire la dépendance à l’égard de l’énergie russe. Ce sujet a occupé une place prépondérante dans les discussions de l’Assemblée à différents niveaux.

Toutefois, l’augmentation de l’extraction des ressources dans l’Arctique suscite des inquiétudes quant à l’impact sur l’environnement, comme en témoignent les nombreuses questions posées au cours des sessions. L’équilibre entre la sécurité énergétique et la protection de l’environnement reste un défi majeur pour les nations européennes, sans parler de la question de savoir qui paierait pour cela. Cependant, l’Assemblée s’est prononcée en faveur d’un développement responsable des ressources, en mettant l’accent sur la réduction de l’empreinte environnementale et en veillant à ce que les bénéfices de l’extraction des ressources soient partagés équitablement avec les communautés de l’Arctique.

Le statu quo : le changement climatique et les peuples autochtones restent des facteurs importants

Si les questions de sécurité ont dominé l’ordre du jour, le changement climatique est resté un thème central de l’Assemblée. L’Arctique se réchauffe à un rythme alarmant, avec des conséquences profondes pour l’environnement, les écosystèmes et les habitants de la région. L’Assemblée a souligné l’urgence d’agir pour atténuer le changement climatique et s’adapter à ses effets. Les discussions ont porté sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la promotion des énergies renouvelables et le renforcement de la résilience des communautés arctiques.

L’Assemblée a également souligné une nouvelle fois l’importance d’inclure les peuples autochtones dans les processus décisionnels de l’Arctique. Il est important de souligner que les communautés autochtones possèdent des connaissances et des perspectives uniques qui sont essentielles pour relever les défis auxquels la région est confrontée. Plusieurs sessions ont été consacrées aux droits des peuples autochtones, à l’autodétermination et aux conséquences du changement climatique et du développement sur leur mode de vie traditionnel. Cette année, l’accent a été mis sur la nécessité de donner à la jeunesse de l’Arctique une voix plus forte, car elle représente l’avenir de la région.

Coopération internationale et diplomatie et deux nouveaux forums

Malgré les préoccupations accrues en matière de sécurité, l’Assemblée a souligné l’importance de la coopération internationale et de la diplomatie dans l’Arctique. Alors que la concurrence entre les grandes puissances s’intensifie, il est également reconnu que la coopération est essentielle pour relever des défis communs tels que le changement climatique, la protection de l’environnement et les opérations de recherche et de sauvetage. Comme d’habitude, l’Assemblée a servi de plateforme de dialogue et de collaboration, les participants soulignant la nécessité d’un ordre fondé sur des règles et d’une résolution pacifique des différends dans l’Arctique. Cet aspect a été particulièrement mis en évidence par l’introduction de deux nouveaux forums.

L’Arctic Circle Business Forum a réuni des chefs d’entreprise, des investisseurs et des décideurs politiques pour discuter des opportunités et des défis économiques dans l’Arctique. Le forum s’est concentré sur la promotion du développement économique durable dans la région, en mettant l’accent sur les énergies renouvelables, l’extraction responsable des ressources et le développement des infrastructures. Il a permis aux entreprises de présenter leurs technologies et solutions innovantes pour l’Arctique et d’échanger avec les décideurs politiques et les investisseurs sur la manière de créer un avenir durable et prospère pour la région.

Sur le plan du dialogue, l’Arctic Circle a également vu l’introduction du Polar Dialogue Forum, qui s’appuie sur l’élan donné par le sommet One Planet – Polar Summit de Paris. Ce forum a réuni des représentants d’États arctiques et non arctiques, d’organisations internationales et d’instituts de recherche pour discuter des défis auxquels sont confrontées les régions polaires, notamment l’Arctique, l’Antarctique et l’Himalaya. Le dialogue s’est concentré sur la promotion de la coopération scientifique, le partage des meilleures pratiques et le développement de solutions collaboratives pour faire face au changement climatique, à la protection de l’environnement et au développement durable dans ces régions critiques. Le dialogue polaire vise à contribuer à la préparation de la cinquième année polaire (API 5) en 2032-33, en favorisant une approche plus intégrée et globale de la recherche et de la politique polaires.

Ces nouveaux forums reflètent la complexité croissante des problèmes de l’Arctique et la nécessité d’adopter une approche multidimensionnelle pour les résoudre. Ils constituent des plateformes précieuses pour les parties prenantes de différents secteurs, qui peuvent ainsi se réunir, partager leurs connaissances et collaborer à la recherche de solutions pour assurer un avenir durable et sûr à l’Arctique et à la cryosphère mondiale.

Michael Wenger, Polar Journal AG

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