L’Alaska a annulé sa saison de pêche au crabe des neiges | Polarjournal
Pas vraiment le genre de bouée de sauvetage dont l’industrie a besoin (Photo : Alaska Bering Sea Crabbers)

En 2018, lorsque l’AFD&G, organisme qui réglemente les pêcheries de l’Alaska, a enregistré la plus forte augmentation jamais relevée du nombre de jeunes crabes des neiges dans la mer de Béring, on s’attendait à ce que l’industrie mette en place des restrictions sur des années afin de laisser ces individus parvenir à maturité. Quelque chose cependant s’est produit dans les eaux au large des côtes de l’Alaska, et personne ne sait exactement pourquoi, mais les crabes ont pratiquement disparu. Pour la première fois, l’État a déclaré la semaine dernière qu’il n’y aurait pas de saison hivernale du crabe des neiges dans la mer de Béring. De même, la récolte automnale de crabe royal rouge de Bristol Bay n’aura pas lieu pour la deuxième année consécutive.

Une maladie pourrait avoir causé ce qu’un responsable de l’AFD&G a décrit comme « le plus grand effondrement que nous ayons jamais vu chez le crabe des neiges », mais, pour l’instant, le principal suspect est un pic de température de l’eau apparu en 2019 et qui pourrait avoir poussé les crabes plus au nord. Cette année-là, le nombre de crabes était conforme à celui de 2018. La pandémie a obligé à annuler le recensement de 2020, si bien que lorsque les biologistes de l’État sont revenus en 2021, ils ont été stupéfaits de constater que 90 % des crabes avait disparu.

Le réchauffement de la température de l’eau et, en fin de compte, le réchauffement de la planète sont à blâmer, mais les preuves, pour l’instant, ne sont que circonstancielles : les mesures compilées par la Noaa, une agence scientifique fédérale, montrent que les températures en Alaska augmentent plus rapidement que dans tout autre État américain. Au large, cela entraîne la perte de milliards de tonnes de glace de mer chaque année. À mesure qu’elle disparaît, l’eau se réchauffe et les crabes des neiges, qui aiment l’eau froide, sont affectés, selon les scientifiques. Mais ils ne savent pas comment.

(Crédit : EPA)

Les données enregistrées entre 1982 et 2018 dans le cadre de la surveillance effectuée par l’EPA, l’agence américaine de l’environnement, de l’impact de la hausse des températures, suggèrent que la migration vers le nord constitue une explication plausible. Aujourd’hui, les populations de crabe des neiges, mais aussi de colin d’Alaska et de flétan du Pacifique, trouvent leurs plus grandes concentrations quelques 30 km plus au nord qu’en 1982. Cette tendance est corroborée par un suivi similaire des espèces dans les eaux du nord-est de l’Amérique. Ces données, qui remontent aux années 1970, révèlent que les trois espèces surveillées à cet endroit (homard américain, merlu rouge et bar noir) semblent s’être déplacées vers le nord de 180 km.

La température de l’eau, selon la Noaa, n’est pas le seul facteur qui peut entraîner un déplacement des populations d’animaux marins. Parmi les autres facteurs, on peut citer les interactions avec d’autres espèces, les pressions exercées par la pêche, les schémas de circulation océanique, la modification de l’habitat et la capacité des espèces à se disperser et à s’adapter. Par conséquent, la migration vers le nord peut avoir été le résultat d’autre chose que – ou plus que – des températures plus élevées.

Mais même si la cause reste inconnue, le résultat est assez clair : pour les pêcheurs, cette saison est un échec, et peut même entraîner la faillite de certaines entreprises de pêche établies de longue date. Pour l’État, le fait que la population de crabes des neiges soit tombée en dessous du niveau requis par l’ADF&G pour l’attribution de quotas signifie qu’au lieu de gérer un boom démographique, l’organisation s’oriente désormais, selon une annonce faite le 10 octobre, vers la « conservation et la reconstitution ».

Kevin McGwin, PolarJournal
Image : Crabiers de la mer de Béring en Alaska

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