Nouvelle discussion sur le statut de patrimoine mondial de l’UNESCO au Groenland | Polarjournal
Les nuages sombres sont encore petits au-dessus du fjord de glace d’Ilulissat, classé au patrimoine naturel mondial. En effet, la discussion pourrait bientôt prendre fin suite à une proposition de compromis. Le conseil communal en discute. Image : Michael Wenger

L’une des destinations les plus connues du Groenland est Ilulissat, à l’ouest de l’île. La troisième ville de l’île attire en effet les visiteurs avec un spectacle particulier, le fjord de glace, avec ses énormes icebergs et ses blocs de glace provenant du glacier Sermeq Kujalleq ou Jakobshaven. L’ensemble est tellement unique qu’il a été déclaré patrimoine naturel mondial par l’UNESCO. Mais ce statut freine également le développement économique du lieu et devrait être supprimé. Une discussion est désormais en cours au sein du conseil communal et peut-être qu’un compromis se dessinera.

Ne pas perdre le statut lucratif de site du patrimoine naturel mondial tout en favorisant le développement économique d’Ilulissat, tel est l’objectif d’une solution de compromis dans le débat qui se déroule actuellement au sein du conseil municipal de la commune d’Avannaata, sur le territoire de laquelle se trouve cette destination touristique très prisée. L’astuce dans cette solution de compromis réside dans la zone tampon qui sépare la réserve naturelle, déclarée patrimoine mondial de l’UNESCO, et la zone locale, qui doit être aménagée. Mais cela implique une modification des lignes directrices pour les zones tampons. « Dans les zones tampons, la commune dispose d’une grande marge d’appréciation et peut donc décider elle-même de la forme que doivent prendre les lignes directrices », explique le conseil dans un communiqué. La discussion est en cours, mais sans résultat pour l’instant.

Le débat autour de la zone porte principalement sur la proposition présentée par Anthon Frederiksen, homme politique local et ancien ministre des Affaires sociales et de la Famille. L’année dernière, le politicien de Naleraq avait proposé que le gouvernement abolisse officiellement le statut du fjord de glace d’Ilulissat. Ce qui permettrait enfin d’accélérer le développement économique de la localité. Selon lui, le statut n’apporte rien, mais empêche le développement urgent de logements et d’infrastructures. « Lorsque nous ne ferons plus partie de l’UNESCO, nous aurons des zones très attractives pour le développement urbain », a-t-il déclaré dans une interview accordée à l’époque au journal Sermitsiaq. Le politicien reçoit le soutien de son parti et de quelques représentants de l’économie locale.

Mais la proposition de Frederiksen suscite aussi beaucoup de scepticisme et de rejet, y compris au sein du Conseil. Celui-ci explique que le tourisme génère de très nombreux et importants revenus, justement aimanté par le statut de paysage naturel intact du fjord de glace. C’est pourquoi nous ne voulons pas renoncer à ce statut. Mais en même temps, on estime que le développement du lieu est de la plus haute importance. En effet, avec l’extension de l’aéroport pour pouvoir accueillir plus de touristes, il faut aussi investir dans le développement du reste de l’infrastructure. Il s’agit notamment de routes, de magasins et de zones industrielles, mais aussi de logements pour les personnes qui s’installent à Ilulissat, une tendance que l’on observe depuis longtemps dans d’autres localités groenlandaises.

En outre, on perd la crédibilité d’une autorité et d’une région responsables, pour lesquelles la durabilité du développement économique est importante. C’est pourquoi on s’engage pour une solution de compromis. Celle-ci prévoit de réévaluer les zones tampons situées au sud de la ville, qui étaient jusqu’à présent considérées comme des zones de loisirs et de détente, et de modifier les directives relatives à leur utilisation. En tant qu’autorité, nous avons beaucoup plus de marge de manœuvre dans ce domaine.

La proposition d’Anthon Frederiksen ne signifiera pas automatiquement la perte du statut. Car au final, c’est le gouvernement de Nuuk qui est aux commandes. Lui seul peut obtenir le retrait de ce statut auprès de l’UNESCO. Image : Oliver Schauf, Wikicommons

Nous ne savons pas encore si la solution proposée sera acceptée par Anthon Frederiksen et ses collègues. Mais il est certain que même en cas de refus, la région ne perdra pas automatiquement son statut. En effet, seul le gouvernement de Nuuk peut notifier à l’UNESCO le retrait de la zone. Et le fait que Naleraq ne soit désormais plus le parti au pouvoir devrait réduire les chances de voir le gouvernement prendre une telle mesure. Ainsi, au moins pour le moment, les icebergs qui ont donné leur nom à Ilulissat continueront à dériver dans la baie de Disko avec le label de l’UNESCO.

MISE À JOUR : Le conseil municipal a approuvé la solution de compromis, comme l’a annoncé le journal Sermitsiaq. La proposition d’Anthon Frederiksen visant à supprimer le statut de l’UNESCO est ainsi abandonnée. En lieu et place, la zone tampon entre Ilulissat et le site de l’UNESCO sera réévaluée, et ouverte à la construction de logements et de bâtiments commerciaux. Pour ce faire, des plans sont désormais en conception et une assemblée communale a été convoquée afin d’informer le public de manière objective, ainsi que de discuter des opportunités et des risques.

Dr. Michael Wenger, PolarJournal

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