Cette année les Jeux Australiques fêtent 7 ans de renouveau et apportent gaieté et cohésion sur les stations scientifiques françaises autour de l’Antarctique et sur le continent. Le district d’Amsterdam emporte la victoire.
Souffle, inspiration et intellect mis à l’épreuve lors des Jeux Australiques. Ces 15 et 16 juillet, les hivernants des stations scientifiques françaises de l’océan Austral et de l’Antarctique, c’est-à-dire Crozet, Kerguelen, Amsterdam, Dumont d’Urville et Concordia, se sont tutoyés dans une série d’épreuves ludiques, artistiques et surtout sportives pour remporter le « manchot de glace ». À l’issue de cette nouvelle édition des Jeux Australiques, Amsterdam remporte la victoire. La station Martin-de-Viviès recevra bientôt le trophée des mains du district de Kerguelen, vainqueur deux années consécutives. Cet événement est organisé chaque année depuis sept ans par le personnel médical des bases scientifiques.
Une idée qui remonte à 1956, lorsque le Dr. Yves Pruches, médecin sur le district de Kerguelen, imagine les jeux pour améliorer le bien-être des hivernants de sa mission ; à cette époque, la base de Port-aux-Français n’a que sept ans d’existence. Il soulignait dans un rapport l’importance du cinéma, très apprécié par les membres de sa mission : « Le cinéma a continué à jouir de la faveur d’un public qui ne craint pas de revoir sept ou huit fois les mêmes films ». Cependant, le médecin déplore l’absence d’un foyer commun « où les gens pourraient se réunir, jouer,[…], passer de bonnes soirées ; ou simplement trouver le calme indispensable. » rapporte-t-il à l’administration. C’est pour susciter un sentiment de cohésion et d’unité qu’il crée les premiers jeux. Depuis, les conseils du Dr Pruches sur les besoins d’un espace de partage ont largement été suivis, mais les Jeux Australiques, eux, n’ont pas tenu dans le temps.
En 2017, le Dr Christophe Carraut, médecin hivernant sur le district de Kerguelen séduit par l’histoire, a dépoussiéré les jeux. « Au départ on voulait les organiser pendant la Midwinter (semaine de fêtes pendant le solstice d’hiver, NDLR), mais c’était trop compliqué », explique-t-il. Pendant cette période fastueuse, les stations se concentrent sur la vie du district et organisent des repas, des soirées et des distractions diverses et variées pour rompre avec la monotonie des jours les plus courts ou de la nuit permanente. « On s’est donc dit que c’était mieux juste après en juillet », commente le Dr. Carraut, agréablement surpris d’apprendre que les jeux suivent leur cours.
Les Jeux Australiques ont été ressuscités avec au menu, du crossfit (pompes, tractions, abdos, etc.), des fléchettes, du développé couché, la planche et du tapis de course. « On a fait en sorte que chaque district choisisse une discipline, il y en avait donc cinq. La stratégie c’est de choisir un sport pour lequel la base a du potentiel », complète-t-il.
Chaque service de santé transmet ensuite ses résultats au district organisateur, qui établit un classement par discipline en toute confiance. Le vainqueur des jeux est le district qui a le plus de points. « On avait fait une petite dérogation pour donner un avantage à Concordia sur les épreuves afin de compenser l’effet de l’altitude. » ajoute-t-il. À plus de 3 000 mètres sur la calotte de l’Antarctique, les sportifs ne ventilent que 60 % de l’oxygène accessible au niveau de la mer.
Petit moment d’euphorie
Concordia n’a pas encore remporté les Jeux Australiques. En 2018, ces derniers étaient à une seconde du record de course sur tapis et détenaient le record féminin de fléchettes. L’Antarctique reste dans la course malgré l’hostilité de son environnement. Dumont d’Urville a remporté pour la première fois les jeux en 2020. « Un beau souvenir collectif de plus pour notre année 2020 très spéciale. Petit moment d’euphorie donc, à la fin du dîner hier soir, et félicitations à nos équipes de sportifs qui ont (presque) tout déchiré en salle ! » raconte François Gourand, prévisionniste en météorologie, sur son blog de mission.
En 2017, Christophe Carraut s’était lancé dans la fabrication du trophée en pliant des tôles d’aluminium. Il a réutilisé du matériel de construction des bâtiments de la base et s’est initié à cette technique avec Pascal Grijol, le mécanicien de la centrale électrique, lui-même sculpteur d’un manchot en aluminium.
Après sa victoire, la base de Dumont d’Urville a organisé les jeux de 2021. Une nouvelle épreuve a vu le jour : la course de l’empereur. Les participants doivent avancer sans faire tomber un « œuf » placé entre leurs pieds. Cette même année, une épreuve de chorégraphie est également apparue. Depuis 2022, de l’apnée en bassine figure parmi les disciplines. Le lancer d’avion en papier apporte une touche originale aux épreuves en 2023. Un score impressionnant reste dans les annales : 31 minutes de gainage signées Mickel-Ange Charlettine en 2019. Cette discipline est restée présente à chaque édition depuis 2017.
Au renouveau des Jeux Australiques, le Dr. Carraut et le chef de district de Kerguelen avaient contacté une station du Chili en Antarctique qui avait participé aux jeux. « L’idée c’était d’être international et d’organiser des jeux à l’image du traité de l’Antarctique », se rappelle-t-il. C’est-à-dire un lieu international, naturel et paisible dédié à la connaissance. L’avenir des jeux est aujourd’hui entre les mains du district de Saint-Paul et Amsterdam et de sa prochaine mission.
Camille Lin, PolarJournal
Lien vers la page des victorieux : Blog officiel de Saint-Paul et Amsterdam
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