Le fait que de plus en plus de pays adhèrent à des institutions polaires d’une part et lancent des programmes polaires relativement rapidement d’autre part, montre à quel point les régions polaires ont gagné en intérêt au niveau mondial au cours des dernières années. Il y a quelques jours, Taiwan et sa station de recherche à Longyearbyen en ont été un exemple. C’est désormais au tour de la Turquie, qui, après avoir annoncé la création de sa propre station antarctique en 2021, s’attaque maintenant à l’Arctique.
La proposition du président turc, Tayyip Erdogan, appelle le parlement à ratifier immédiatement le traité du Svalbard de 1920 (également connu sous le nom de traité du Spitzberg), ce qui permettrait à la Turquie de rejoindre les 45 autres membres du traité. Outre le président turc, le président du parlement, Mustafa Şentop, soutient également la proposition, qui est actuellement examinée par la Commission des Affaires étrangères avant d’être soumise au vote du parlement. Toutefois, on s’attend largement à ce qu’elle soit approuvée.
En adhérant au traité du Svalbard, la Turquie espère avoir accès à cet archipel administré par la Norvège, et ainsi développer son ambitieux programme polaire. « Les citoyens turcs obtiendront ainsi le droit de posséder des terres et d’y vivre, de pêcher et de chasser sous administration norvégienne au sein de l’archipel du Spitzberg, ainsi que dans les eaux territoriales situées à seulement 1 000 kilomètres du pôle Nord », selon un communiqué de presse du gouvernement. L’annonce n’est pas vraiment une surprise. Après tout, l’État gère son propre programme de recherche polaire depuis 2017, faisant les gros titres avec des affaires polaires à plusieurs reprises au cours des dernières années. En mai 2021, la Turquie s’était portée candidate à une place d’observateur au Conseil de l’Arctique, sans succès. En février de la même année, on apprenait que l’État du Bosphore souhaitait établir sa propre station antarctique.
Sur le plan économique et politique, Ankara espère également jouer un rôle plus important dans les régions polaires grâce à son adhésion. Comme beaucoup d’autres pays, elle considère l’Arctique comme un point chaud. La proximité du pays avec la Russie pourrait jouer un rôle non négligeable à cet égard. Les deux nations sont très proches, tant sur le plan politique qu’économique, malgré la guerre en Ukraine et les sanctions que la Turquie n’a pas encore mises en œuvre. Selon le journal turc Hürriyet, les experts estiment que l’annonce d’Ankara pourrait également être liée aux négociations récemment conclues pour l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN. La Turquie s’est longtemps opposée à l’admission des deux États scandinaves. Ce n’est que lors d’une réunion à Madrid, le 28 juin, que la percée a pu être réalisée. Il n’est pas improbable que le président turc ait également joué la carte du Svalbard à l’époque.
Il reste à voir dans quelle mesure la Turquie se rapprochera de la Russie, qui possède sa propre municipalité au Svalbard, après la ratification, ou reconnaîtra la souveraineté de la Norvège sans autre forme de procès. Actuellement, un différend oppose la Russie et la Norvège au sujet de l’approvisionnement de la municipalité russe de Barentsburg, ce qui suscite de la rancœur de part et d’autre. Il reste à voir si Ankara, en tant que nouveau membre, interviendra dans ce différend et, éventuellement, jouera un rôle de médiateur.
Dr. Michael Wenger, PolarJournal
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