Le monde sous-marin n’est pas forcément un lieu de calme et de tranquillité. Sous la surface de l’océan, il y a parfois beaucoup de bruit. En effet, dans l’eau, le son se déplace plus loin et plus vite que dans l’air, ce qui permet de porter les sons jusque dans les régions les plus reculées, comme les eaux arctiques. Et beaucoup de ces derniers ne sont pas naturels, mais causés par l’homme. Dans le cadre d’une expédition visant à étudier le bruit dans les eaux arctiques, la recherche et l’art se sont désormais associés.
Au cours des quatre dernières semaines, plusieurs équipes de recherche, dont celles du Woods Hole Oceanographic Institute WHOI et de l’artiste irlandaise Siobhán McDonald, se sont rendues dans le détroit de Davis entre le Canada et le Groenland et ont déployé des microphones sous-marins et autres instruments de mesure. L’objectif est d’en savoir plus sur les effets du bruit dans les voies navigables sur les baleines et les autres habitants de la mer et de collecter des données sur le bruit en général. D’autre part, Siobhán McDonald veut enregistrer les sons de la fonte des icebergs et d’autres bruits sous-marins et les assembler en une œuvre d’art acoustique, attirant ainsi l’attention sur l’influence humaine due au bruit et au changement climatique.
Tant la partie arctique du Canada et du Groenland est fortement touchée par les changements climatiques en Arctique, ce qui se reflète également dans la perte des masses de glace sur les îles et la calotte glaciaire du Groenland. Les nombreux vêlages et la formation d’icebergs transportent d’énormes quantités d’eau douce dans le détroit de Davis. Lorsque ces icebergs fondent, la salinité de l’eau change. Ce phénomène, associé à l’augmentation de la température de l’océan, influence les propriétés acoustiques de la masse d’eau, ce qui a des répercussions sur les baleines et les autres organismes marins. C’est sur la piste de ces changements que des équipes de recherche ont travaillé en plaçant cinq hydrophones sur des bouées dans le détroit de Davis, qui enregistreront des données toutes les heures pendant les deux prochaines années avant d’être récupérés en 2024. Le tout fait partie d’un projet d’observation de l’OMSI qui vise à collecter et à comparer des données sur l’apport d’eau douce et de chaleur dans les zones d’entrée de l’océan Arctique. Outre les hydrophones, douze autres bouées équipées d’appareils de mesure ont été déployées.
L’artiste irlandaise Siobhán McDonald était également à bord pendant les quatre semaines. L’artiste, née aux États-Unis, souhaite associer la recherche et l’art dans ses travaux et, selon ses propres dires, explorer et représenter l’anthropocène et les conséquences récentes de l’interaction de l’homme avec la nature. Pour ce faire, elle a recueilli des impressions et des données afin de préparer son nouveau projet artistique. Il est prévu d’utiliser les données collectées par les hydrophones pour créer, en collaboration avec un compositeur, une installation artistique composée de sons, de peintures et de sculptures, afin de sensibiliser les gens, lors d’expositions, à l’influence des bruits naturels et d’origine humaine et au réchauffement du climat en Arctique.
Ce que l’on entend dans les hydrophones, ce sont des instantanés du temps. Ils sont comme une capsule temporelle.
Siobhán McDonald, artiste
« Je suis intéressée par l’écoute de la pollution acoustique », explique-t-elle dans une interview au journal britannique The Guardian. « Les sons sont d’une importance fondamentale pour les animaux marins et arctiques. L’ouïe est fondamentale pour la communication, la reproduction, l’alimentation et, en fin de compte, la survie. Cela montre à quel point il est important de faire attention à la pollution que nous générons pour les écosystèmes qui nous entourent ». Pour elle, les bruits et les sons émis par les icebergs en train de fondre sont une mémoire des océans des points de basculement où les changements sont irréversibles et qui ont probablement déjà été dépassés. « Ce que l’on entend dans les hydrophones, ce sont des instantanés du temps. Ils sont comme une capsule temporelle ».
Dr. Michael Wenger, PolarJournal
Lien vers le site web de Siobhán McDonald
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