« À bord du Polarstern », la recherche polaire en dessins et en récit | Polarjournal
Couverture du livre À bord du Polarstern publié aux éditions Delachaux et Niestlé. Image : Katharina Weiss-Tuider / Christian Schneider / Delachaux et Niestlé

Un livre pour découvrir une grande expédition scientifique dans l’océan Arctique, une mise à l’étrier bien illustrée, destinée à un public très large, pour l’étude de l’océan, la glace et le climat des régions polaires.

Lors du One Planet – Polar Summit, en réponse au constat alarmant sur la disparition de la cryosphère, Emmanuel Macron n’a pas annoncé de mesures d’atténuation du réchauffement climatique, par contre, il a incité les chercheurs à travailler davantage dans les pôles. Avec notamment l’annonce de la construction d’un navire océanographique capable de s’aventurer près des glaces. Un bâtiment qui s’apparenterait au Polarstern allemand, bien qu’incapable de casser la glace.

D’ailleurs, À bord du Polarstern, un livre publié en français le mois dernier, permet de découvrir l’épopée d’un navire brise-glace scientifique à travers la banquise de l’Arctique dans la nuit polaire de 2019 à 2020, l’expédition MOSAiC. Très illustré et à découvrir aux éditions Delachaux et Niestlé, il permet de se faire une idée précise sur ce genre d’expérience scientifique et humaine.

La communauté scientifique polaire en France attend depuis longtemps de pouvoir travailler dans des eaux glacées avec un navire géré par des fonds publics. Michel Rocard sera donc son nom une fois construit. À la surprise de Laurent Mayet, qui a découvert l’hommage dans la presse alors qu’il a toujours œuvré pour la mémoire de l’action diplomatique sur les pôles de Michel Rocard, Premier ministre de François Mitterrand.

Michel Rocard remplacera Antea, un navire océanographique de 35 mètres basé en Nouvelle-Calédonie, arrivé en bout de carrière. Son renouvellement était déjà prévu avant 2030. Mais il ne sera pas question de travailler avec un 35 mètres si près de l’Antarctique, Michel Rocard mesurera au moins 65 mètres, ce qui reste loin des 118 mètres du Polarstern.

Ce que les Français s’apprêtent à écrire reste difficile à percevoir, l’aventure vient à peine de commencer. En attendant son lancement, les scientifiques continueront d’embarquer sur les navires de la flotte européenne ou internationale, comme à bord du brise-glace allemand.

Illustration de la dérive du navire pris dans les glace au cœur de l’océan Arctique. Image : Christian Schneider / Delachaux et Niestlé

À bord du Polarstern détaille très bien l’usage scientifique d’un navire brise-glace en Arctique. Il offre au jeune public (dès 9 ans), aux non avertis et aux curieux du Polarstern une expérience en images, textes et dessins de l’étude de l’océan, de la glace et du climat. « Cette histoire nous permet non seulement d’appréhender les faits sur le plan cognitif, mais aussi de les comprendre sur le plan émotionnel. Je pense que c’est la clé d’une bonne communication scientifique « durable », qu’elle soit destinée aux enfants ou aux adultes. » Nous explique Katharina Weiss-Tuider, autrice et docteure en littérature assumant le rôle de communicante à l’Institut Alfred Wegener lors de l’expédition MOSAiC.

D’abord publiés en mars 2021 (Expedition Polarstern – Dem Klimawandel auf der Spur) aux éditions CBJ Verlag en Allemagne, le livre arrive dans sa version française. « Je voulais donner aux jeunes lecteurs un exemple passionnant de la façon dont tout ce qui se trouve sur notre planète, en particulier le système climatique mondial, est lié. Nous explique-t-elle. Je suis ravie que la traduction française du livre permette aux enfants et aux jeunes des pays francophones de mieux connaître MOSAiC. »

Le graphisme est délicat, Christian Schneider dessine au crayon, ses couleurs sont légèrement ternes, mais le résultat est saisissant au crépuscule. L’œuvre nous immerge dans la nuit polaire, dans la glace dérivante, accompagnée de la faune et la flore marine. Parmi cette biodiversité, un poisson clown a tout de même réussi à se glisser entre les pages, mais l’animal emblématique à la peau noire qui se camoufle très bien sur fond blanc (l’ours polaire) apparait souvent dessiné ou photographié.

Ainsi, il y a des chapitres « carnet de bord » dans lesquels nous suivons l’évolution de l’expédition au fil du temps. Image : Katharina Weiss-Tuider / Christian Schneider / Delachaux et Niestlé

C’est un objet très visuel, nourri de cartes de l’océan Arctique, d’images historiques et de photos de l’expédition. Le navire a dérivé pendant 3 400 kilomètres, approvisionné par d’autres brise-glaces, comme le Kapitan Dranitsyn. Le livre ne rentre pas de manière précise dans la technique d’une telle navigation, mais entre les journaux de bord et un plan de l’anatomie du navire, on découvre certains enjeux de sa lente dérive de 25 kilomètres par jour.

Un ouvrage initiatique et divertissant. On en apprend sur le jet stream, l’effet de serre, le climat, de la formation des cristaux de glace aux crevasses dans la banquise. Un vocabulaire simple nous prend par la main et quelques notions techniques élèvent le propos. « Je crois que pour écrire un bon livre de vulgarisation scientifique, il faut les deux : la fascination et l’enthousiasme pour le sujet, mais aussi la sobriété et la précision, qui ne sont rien d’autre, en fin de compte, que l’amour des faits. » explique Katharina Weiss-Tuider.

Des schémas didactiques très clairs rythment l’ouvrage entrecroisé d’anecdotes. Des chiffres clés sont saupoudrés, 6 000 kilogrammes de pommes de terre pour nourrir les 442 personnes venues à bord depuis 37 pays. On y découvre les métiers, l’équipement, l’ambiance nocturne avec la glace qui craque, les ours qui rôdent et les rafales glacées.

Exemple de saut temporel entre différents types d’équipements nécessaires à la survie en Arctique. Image : Katharina Weiss-Tuider / Christian Schneider / Delachaux et Niestlé

Les scientifiques sont dépeints avec une salve d’outils de mesures, robots sous-marins, caméras, rosette, avions, ballons, etc.. Les portraits de chercheurs ou du personnel navigant sont absents, faute de place ou par souci de ne pas écraser l’esprit d’équipe prégnant lors d’une telle aventure. « Je suis vraiment reconnaissante de cette expérience, car elle le montre : Lorsqu’il s’agit d’une mission commune, le monde peut s’unir – et la mission la plus importante que nous partageons en tant qu’humanité est de lutter contre deux des crises majeures de notre époque, le changement climatique et la perte de biodiversité. » ajoute-t-elle. Les mystères de l’océan Arctique sont à l’honneur, percés par les phares du Polarstern en 131 pages.

Le livre s’adresse à ceux qui s’interrogent sur l’avenir climatique et à ceux qui voudraient se laisser transporter par une des expéditions les plus ambitieuses qui à l’heure actuelle nourrit amplement la littérature scientifique. Il sensibilise aux actions écoresponsables de la vie de tous les jours. « Les enfants ont le droit de savoir que c’est leur avenir qui est en jeu lorsque nous, adultes, décidons aujourd’hui de mesures de protection du climat. » explique l’autrice. Un livre qui pourrait créer des vocations pour répondre aux enjeux environnementaux et, sait-on jamais, porter un jeune lecteur à l’échelle de la coupée du Michel Rocard à Hobart, dans 10 ans, direction l’Antarctique.

À bord du Polarstern, Katharina Weiss-Tuider, Christian Schneider et Stephanie Roderer, Éditions Delachaux et Niestlé, 131 pages, 21,90 euros

Camille Lin, PolarJournal

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