Déclin des manchots sur une île subantarctique | Polarjournal
L’île Macquarie, d’une superficie d’environ 128 kilomètres carrés, est située à mi-chemin entre la Tasmanie et l’Antarctique. Bien que l’île ne soit pas recouverte de glaciers, elle est considérée comme un équivalent de la Géorgie du Sud en termes de faune. En effet, des millions de manchots s’ébattent sur les plages et les pentes, aux côtés de nombreuses autres espèces subantarctiques et antarctiques. Image : Michael Wenger

Au-dessus de la ligne de convergence antarctique, la frontière biologique de l’Antarctique, se trouve l’île Macquarie. L’île administrée par l’Australie est devenue, à l’instar de la Géorgie du Sud, un véritable paradis pour les animaux après que les chasseurs de baleines et de phoques ont quitté l’île et que les parasites ont entre-temps été éradiqués. Les quatre espèces de manchots originaires de l’île, en particulier, ont connu une forte croissance. Ou du moins, c’est ce qu’il se passait jusqu’à il y a quelque temps. En effet, les chiffres sont à nouveau en baisse et les chercheurs en cherchent les raisons.

Une étude de l’Institut de recherche marine et antarctique IMAS de l’Université de Tasmanie a enregistré une baisse du nombre de poussins depuis 2007, lors des recensements des populations de manchots royaux à Macquarie. C’est à cette époque que le Tasmania Park and Wildlife Service a commencé à surveiller et à recenser systématiquement la deuxième plus grande espèce de manchots du monde sur Macca, comme les Australiens appellent affectueusement l’île. « Ce déclin signifie soit que l’île a atteint sa capacité biologique d’accueil, soit que la population est effectivement en train de décliner », explique Penny Pascoe, doctorante à l’IMAS qui a mené cette étude sur le sujet. La capacité d’absorption biologique détermine le nombre maximal d’êtres vivants qui trouvent suffisamment de nourriture et des conditions de vie optimales (lieux de reproduction, pression des prédateurs) dans une région donnée, de sorte que la population puisse croître et se stabiliser. Mais si une population commence à décliner, cela signifie qu’un ou plusieurs facteurs ont changé de manière négative. Ce qu’il en est dans le cas de Macquarie fait maintenant l’objet d’une enquête plus approfondie.

Macquarie abrite environ dix pourcent de la population mondiale de manchots royaux. Ils ont longtemps été utilisés pour la production de graisse, comme en témoignent encore, dans une colonie, les énormes chaudières (au centre de la photo)) au milieu des manchots. Images : Michael Wenger

Les manchots royaux de Macquarie représentent environ dix pourcent de la population totale de l’espèce dans le monde et l’île en est le site de reproduction le plus significatif dans la partie pacifique de l’Antarctique. Après avoir mené les éléphants de mer et autres phoques de l’île pratiquement au bord de l’extinction, les chasseurs de phoques se sont tournés vers les manchots royaux et ont rapidement transformé les animaux en huile de combustible. Les manchots ont ainsi partagé le sort des phoques. Mais grâce aux mesures de protection prises au début du 20e siècle, la population s’est rétablie et, jusqu’au début des années 2000, le nombre d’individus a de nouveau augmenté rapidement. C’est aussi une piste pour de nouvelles recherches sur ce déclin. « Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si le déclin que nous avons constaté est dû à un déclin de l’ensemble de la population nicheuse adulte ou s’il s’agit d’une stabilisation naturelle après récupération rapide de la population de l’exploitation » poursuit Penny Pascoe.

Les manchots royaux préfèrent les plages peu profondes où ils peuvent facilement remonter de l’eau. Mais lorsque de fortes vagues s’abattent sur la plage, cela peut devenir un danger pour les animaux. Et sur Macquarie, de telles tempêtes violentes ont été enregistrées de manière accrue. Image : Michael Wenger

Mais l’étude de Pascoe et de ses collègues mentionne également les changements climatiques comme causes possibles. En effet, en comparant le nombre de couvées avec les données météorologiques, les auteurs de l’étude ont constaté que les années où le nombre de poussins était faible étaient liées à de fortes pluies et à des hauteurs de vagues très importantes sur les plages. En outre, le bureau météorologique a également enregistré davantage de tempêtes et des températures de l’eau plus élevées, des facteurs qui peuvent avoir un impact négatif important sur le succès de reproduction des manchots royaux.

Ce qui plaide en faveur de l’influence des changements climatiques concernant ce déclin, c’est la comparaison avec d’autres espèces de manchots vivant sur Macquarie. Les manchots papous, en particulier, qui sont en progression ailleurs, y ont connu un déclin massif. Près de la moitié de la population a disparu ici au cours des vingt dernières années, a démontré une autre étude de Penny Pascoe. Et les gorfous sauteurs, dont l’espèce australe vit à Macquarie, sont également en déclin à l’échelle mondiale. Il n’est certes pas encore nécessaire de tirer la sonnette d’alarme pour les gorfous de Schlegel, une espèce endémique proche. Mais eux aussi pourraient rapidement se retrouver en fâcheuse posture à cause des bouleversements que le changement climatique entraîne, en particulier dans ce coin de l’océan Austral. Les effets se feraient alors sentir sur et autour de l’île, car les manchots ont un rôle écologique important. Ils fertilisent l’île et l’océan environnant avec leurs excréments. Le docteur Julie McInnes de l’IMAS, responsable de l’étude rappelle : « Il ne faut pas oublier que l’écosystème marin est interconnecté et que l’élimination d’une espèce peut avoir des conséquences sur d’autres espèces ».

Dr. Michael Wenger, PolarJournal

Lien vers l’étude : Pascoe et al (2022) J Mar Scie 79 (7) The current trajectory of king penguin (Aptenodytes patagonicus) chick numbers on Macquarie Island in relation to environmental conditions ; doi.org/10.1093/icesjms/fsac139

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