Une grande première dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises, l’île d’Amsterdam sera dératisée en 2024. Des études préliminaires en cours sont encourageantes. Les effets devraient être bénéfiques sur les oiseaux de l’île et apporteraient de nouvelles connaissances sur la préservation de la biodiversité subantarctique.
Dans le sud de l’hémisphère, l’île d’Amsterdam va connaitre une intense campagne de dératisation pendant l’hiver 2024 pour protéger les oiseaux marins. Cela fait plus de 16 ans que la Réserve des Terres Australes et Antarctique Française essaye de sauvegarder les gorfous sauteurs et les albatros à nez jaune, victimes d’épidémies de choléra aviaire (Pasteurella multocida). Cette maladie se propage avec des animaux introduits par l’être humain : rats et souris.
Des introductions successives qui ont eu lieu au fil de l’histoire de sa découverte (1633), de son exploration (1850-1930) et de la mise en place d’une base scientifique permanente en 1950. « Les rats sont probablement un réservoir pour la maladie. Les scientifiques du Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive de Montpellier ont bien retrouvé ce pathogène dans les spécimens capturés sur place, nous explique Clément Quétel, chef du service Conservation et Restauration des Milieux Naturels des Terres Australes et Antarctiques Françaises. Récemment, une dératisation localisée autour de colonies d’oiseaux a amélioré leur reproduction. C’est un signe encourageant pour la dératisation totale de l’île. » D’autre part, les rongeurs pourraient s’attaquer aux œufs avant qu’ils n’éclosent.
» Le projet de dératisation c’est plus de 2 millions d’euros financés par l’Union Européenne et l’Office Français de la Biodiversité. »
Clément Quétel
Une opération difficile, mais pas impossible. En 2013 la dératisation de la Géorgie du Sud – 3 500 km2 de surface terrestre – est un succès. L’île d’Amsterdam quant à elle représente 55 km2 de terres immergées, mais des tunnels de lave complexifient le terrain et les rongeurs pourraient s’y réfugier. « Il n’y a pas de source de nourritures connues dans les crevasses et les tunnels de l’île, ils doivent normalement en sortir pour se nourrir, complète Clément Quétel. On va devoir faire en sorte que la dose de poison corresponde à la densités de rongeurs ».
Depuis 2017, une succession de jeunes scientifiques hivernent sur l’île et étudient les espèces ciblées. Ils estiment leur densité, leur période de reproduction. Comme le précise Lorien Boujot, chargé de la mission : « Il ne faudra pas qu’on intervienne pendant leur reproduction, il risque de rester des jeunes qui ne seront pas atteints par les méthodes d’éradication ».
Le lien entre le choléra aviaire et la disparition des albatros d’Amsterdam n’est pas démontré. Après les dispositifs adoptés par les navires de pêche pour éviter leur noyade, les effectifs d’albatros d’Amsterdam ont entamé une lente remontée. La mise en place d’un protocole sanitaire stricte par la réserve naturelle et un programme de vaccination développé par les chercheurs de l’Institut Paul-Émile Victor, ont peut-être fait leur part. Mais seule une éventuelle accélération du retour de l’albatros d’Amsterdam après l’éradication pourrait le prouver.
D’autres espèces pourraient en profiter, comme les Phylicas, un arbuste indigène de l’île qui se fait grignoter par les souris. Pour l’instant, cette plante se multiplie grâce au personnel de la base scientifique, Martin-de-Viviès, qui la reproduit sous serre et la replante autour de l’île.
Camille Lin, Polar Journal
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