Des juristes du Chili explorent les normes en Antarctique | Polarjournal
La délégation à proximité de la base chilienne de Risopatrón. Image : Instituto Milenio Base / INACH

Des juristes chiliens ont été dépêchés en Antarctique pour étudier la possibilité d’unifier la législation dans cette région en matière de normes et de biosécurité liées à l’introduction de la grippe aviaire et à ses conséquences sur la faune et les activités humaines.

« Nous avons par exemple mené des entretiens avec des chefs de stations scientifiques en Antarctique”, raconte Giovannina Sutherland, juriste de l’Instituto Milenio Base, lors d’un entretien accordé à PolarJournal. « On commençait par dire qu’on était chercheuses en sciences sociales, puis après qu’on était juriste, en précisant que l’on n’était pas du droit fiscal, mais bien du droit antarctique. » Le 25 avril dernier, Giovannina Sutherland, Catalina Sepúlveda et María Jesús Maibe, spécialistes du droit à l’Instituto Milenio Base, ont présenté à l’Université de Chile à Santiago leur mission en droit polaire menée en janvier dernier à travers la péninsule Antarctique.

Cette équipe a étudié les règles de biosécurité liées à la grippe aviaire – entrée en début d’année sur ce continent – pour proposer l’unification des mesures dans le cadre du Traité de l’Antarctique. Pour l’instant – comme pour le Covid-19 -, chaque pays légifère de son côté, les normes sont donc parfois très différentes. « L’été dernier, il n’a pas été possible pour les ornithologues ou les biologistes qui travaillent sur les mammifères marins de voyager en Antarctique. Cela a été un sujet de controverse », nous explique Giovannina Sutherland, à propos de la norme chilienne mise en place dès octobre de l’année dernière. Le Chili a également fermé sa base Yelcho parce qu’elle est située dans une manchotière. Chose impossible pour la France si on se réfère à la station Dumont-d’Urville, ainsi que pour d’autres pays.

Les juristes ont donc visité pour la première fois bases et navires de la péninsule en janvier dernier. « Nous avons vu comment se déroulent les protocoles pour les opérateurs privés et pour la marine », explique Giovannina Sutherland. En plus des stations chiliennes, elles ont visité des stations espagnoles, uruguayennes ou chinoises. « Nous avons mené des interviews avec des scientifiques, comme Antonio Alcamí, le virologue espagnol, et son équipe qui venaient d’identifier le premier cas de grippe aviaire en Antarctique », nous raconte-t-elle. « Nous avons voyagé avec des scientifiques coréens qui devaient appliquer deux types de biosécurité, la chilienne puis la coréenne pour rejoindre leur station de recherche. »

L’équipe de l’Instituto Milenio Base espère présenter cette problématique à la réunion consultative du Traité. « Pour qu’au moins les États se mettent d’accord pour travailler ensemble et ensuite arriver à une norme commune », explique la juriste. « Mais c’est un thème complexe, il n’existe pas de groupe de travail international sur le sujet au niveau du Traité. » Ces normes peuvent être restrictives et limiter la recherche, ce qui demande une conversation entre des pays comme les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, etc.

« Beaucoup de scientifiques, qui travaillent là-bas depuis des années, ne connaissent pas vraiment le fonctionnement du système du Traité de l’Antarctique, comme les mesures, les recommandations ou la règle du consensus », explique-t-elle. « Les échanges étaient très intéressants. Nous avons trouvé plein de problématiques que nous n’aurions pas identifiées si nous n’avions pas été sur place. »

Cette mission a aussi permis de souligner l’importance des échanges entre spécialistes du droit et les scientifiques qui travaillent dans cette région. « Il manque souvent des connecteurs pour arriver à la prise de décision, pour que cela ouvre des discussions au niveau des réunions consultatives du Traité, dans ses commissions respectives, et d’autant plus pour réguler dans cet espace juridique », nous explique Giovannina Sutherland.

Les échanges entre juristes et scientifiques ont donné d’autres pistes de travail. « Le thème de la responsabilité par exemple, relatif à l’Annexe VI du Traité », rappelle-t-elle. « Mais aussi en matière de tourisme où chaque pays régule également de son côté. »

Camille Lin, Polar Journal AG

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