La disparition de la glace de mer a un impact négatif sur l’allaitement des oursons | Polarjournal
Les images d’une ourse polaire accompagnée de ses oursons sont toujours parmi les plus attendrissantes. La tâche de prendre soin de sa progéniture n’est toutefois pas une mince affaire pour ces animaux dont l’habitat est en train de se modifier drastiquement. Image : KT Miller / Polar Bears International

En raison de l’augmentation du temps passé à terre à jeûner, les femelles ours polaires ont du mal à produire du lait pour leurs oursons. Ce sont les conclusions d’une étude publiée récemment qui fait le lien entre perte de la glace de mer et l’allaitement chez les ourses polaires.

Une étude publiée la semaine dernière dans Marine Ecology Progress Series démontre un lien potentiel entre la disparition de la glace de mer et la lactation des ourses polaires. Obligées de rester plus longtemps à terre et à jeûner, les femelles produiraient moins de lait et un lait moins riche en graisse.

Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont repris les données provenant d’échantillons de lait d’ourses polaires capturées dans l’ouest de la baie d’Hudson entre 1989 et 1994.

La baie d’Hudson, en particulier la ville de Churchill, est particulièrement connue pour ses ours polaires qui y passent la saison estivale. Les femelles y mettent bas dans des tanières. En automne, les ours se rassemblent en attendant que la banquise se forme leur permettant alors de rejoindre leur terrain de chasse de prédilection. Or, et en raison du réchauffement climatique, la banquise se forme de plus en plus tardivement, amenant des conflits entre les habitants de la région et les ours affamés.

Les ourses polaires ont de plus en plus de peine à allaiter leurs petits. Le réchauffement climatique rendant la chasse aux phoques de plus en plus tardive, les mères ont moins de réserve pour assurer un lait suffisamment riche pour leurs petits. Image : Daniel. J. Cox / Polar Bears International

Une diminution significative de la taille de la population d’ours de la baie d’Hudson avait déjà été documentée. Or, l’étude récemment publiée démontre que la diminution de la glace de mer a aussi un impact négatif sur les performances de lactation des femelles et donc sur les probabilités de survie des oursons. Les femelles ayant elles-mêmes des difficultés à se nourrir produisent ainsi un lait beaucoup moins riche pour leur progéniture qui du coup prend moins de poids. Un mécanisme de survie pour ces mammifères : « Les ours polaires Ursus maritimus sont confrontés à des problèmes d’allocation considérables lorsque la fonte saisonnière des glaces de mer empêche l’accès aux proies pendant plusieurs mois et que les femelles dépendent uniquement des réserves d’énergie pour couvrir leurs propres besoins énergétiques et nourrir leur progéniture. », mentionnent les auteurs.

Ainsi, lorsque les femelles jeûnaient plus longtemps et brûlaient leurs propres réserves de graisse, elles étaient de plus en plus obligées de donner la priorité à leurs propres besoins énergétiques, avec moins d’énergie disponible à allouer à leurs petits. Les résultats de l’étude sur les échantillons de lait ont démontré qu’après environ trois mois passés sur terre, la probabilité qu’une femelle avec des oursons nés durant l’année allaite était de 53% contre 35% pour une femelle avec des oursons de l’année précédente.

La teneur énergétique du lait diminuait quant à elle de moitié après trois mois à terre. Pour les femelles ayant deux petits, la teneur énergétique de leur lait diminuait même de plus de 75%. Un véritable problème pour la survie des petits d’autant plus que les prévisions relatives à la perte de glace de mer ne sont guère encourageantes. Cette dernière devrait en effet se poursuivre avec le réchauffement climatique. « Pour quantifier les conséquences exactes sur la démographie, le sort de la progéniture une fois qu’une femelle réduit ou met fin à l’effort de lactation est un domaine à explorer davantage, d’autant plus que le réchauffement rapide de l’Arctique obligera de plus en plus les individus à entreprendre de plus longues périodes sans accès aux proies primaires. », plaident les auteurs dans leur conclusion.

Une femelle ours polaire donne vie à un ou deux petits, parfois trois. A la naissance, les oursons sont aveugles et ne pèsent que 600 grammes. La femelle va s’occuper de ses bébés pendant plusieurs mois, renonçant elle-même à s’alimenter. Elle passera les premiers mois de la vie de ses petits à les nourrir d’un lait riche en graisse. A l’arrivée du printemps, au moment de quitter la tanière, les oursons pèsent déjà une douzaine de kilos. La femelle quant à elle aura perdu la moitié de sa masse graisseuse.

Commence alors l’éducation des jeunes oursons qui resteront aux côtés de leur mère jusqu’à leurs deux ans avant de prendre leur indépendance. Les femelles allaiteront de leur progéniture durant 18 à 30 mois avec un lait extrêmement riche. A l’instar des autres mammifères marins, le lait maternel des ourses polaires contient 33% de graisse, essentielle à la survie des petits dans le froid de l’Arctique.

Lien vers l’étude : Archer LC, Atkinson SN, Pagano AM, Penk SR, Molnár PK (2023) Lactation performance in polar bears is associated with fasting time and energetic state. Mar Ecol Prog Ser 720:175-189. https://doi.org/10.3354/meps14382

Mirjana Binggeli, PolarJournal

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