La pollution de l’océan Austral par les microplastiques a été nettement sous-estimée jusqu’à présent, comme le montrent des chercheurs de l’Université de Bâle et de l’Institut Alfred Wegener.
Les 17 échantillons d’eau prélevés par l’équipe de recherche lors d’une expédition à bord du brise-glace de recherche allemand, Polarstern, dans le sud de la mer de Weddell présentaient tous une concentration de microplastiques nettement plus élevée que les analyses précédentes. Cette nouvelle étude a été publiée dans Science of the Total Environment.
« La raison en est le type d’échantillonnage que nous avons effectué », explique Clara Leistenschneider, doctorante au Département des sciences de l’environnement de l’Université de Bâle et auteure principale de l’étude, dans un communiqué de presse publié par l’université.
Alors que dans les études précédentes, les échantillons étaient généralement prélevés à l’aide de filets qui ne capturaient que les particules de plus de 300 microns, Clara Leistenschneider et son équipe ont utilisé une pompe pour prélever des échantillons d’eau qu’ils ont ensuite filtrés à bord. Cette méthode leur a permis de capturer également des particules et des fibres plus petites. Pour leur étude, les chercheurs se sont concentrés sur les microplastiques d’une taille comprise entre 11 et 500 micromètres.
Leurs analyses ont révélé que 98,3 % des particules et des fibres ont une taille inférieure à 300 microns. Par conséquent, la majeure partie des microplastiques a échappé aux analyses précédentes lors de l’échantillonnage.
Ces résultats sont très inquiétants, car selon plusieurs études, plus les particules de plastique sont petites, plus elles pourraient être toxiques pour les organismes marins. Par exemple, les nanoplastiques, c’est-à-dire des particules encore plus petites, peuvent modifier le développement et le comportement du krill, car les particules pénètrent dans les tissus et traversent la barrière hémato-encéphalique.
Le niveau de pollution était le plus élevé dans les deux échantillons prélevés en mer, au nord du talus continental, avec environ 260 microparticules de plastique par mètre cube. Tous les autres échantillons provenaient du plateau continental et contenaient entre 0,5 et 56 microparticules de plastique par mètre cube. Même l’échantillon prélevé par les chercheurs dans une faille entre la banquise de Brunt et l’iceberg A74 récemment vêlé contenait environ 19 particules par mètre cube.
Les types de polymères les plus fréquemment rencontrés sont le polypropylène (PP) et le polyamide (PA).
Les chercheurs ne peuvent pas expliquer avec certitude ces grandes différences de concentration entre les échantillons prélevés en mer et les 15 autres. Ils supposent qu’à proximité des côtes, les particules de plastique sont liées par la glace et ne retournent dans l’eau que lors de la fonte des glaces.
Les courants marins – entre autres le courant de la pente antarctique, qui s’écoule vers l’ouest le long du plateau continental – pourraient également jouer un rôle. « Ils pourraient agir comme une barrière et réduire les échanges d’eau entre le nord et le sud », explique Gunnar Gerdts, scientifique à l’Institut Alfred Wegener de Helgoland, cité dans le communiqué de presse.
Dans le cadre de l’étude actuelle, les échantillons d’eau n’ont pu être prélevés que près de la surface de l’eau. Or, pour étudier le rôle des courants marins, il est crucial d’échantillonner également les couches d’eau plus profondes, « car les courants profonds sont très différents des courants de surface et la circulation thermohaline entraîne des échanges avec des masses d’eau provenant de régions nordiques », explique Clara Leistenschneider.
Les chercheurs ne peuvent également que spéculer sur l’origine des microplastiques. Parmi les sources possibles, ils ont cité les bateaux de tourisme, de pêche et de recherche. Il n’est pas certain que les microplastiques puissent un jour quitter la région, car le courant circumpolaire antarctique constitue une puissante barrière.
Malgré les résultats alarmants, Clara Leistenschneider affirme que « la recherche sur le sujet a permis de prendre nettement conscience des problèmes que les microplastiques posent à l’environnement et à tous les êtres vivants ces dernières années ». Selon elle, il n’existe certes pas de solution globale, mais différents acteurs dans le monde entier travaillent intensément à mieux comprendre le problème et à développer des idées innovantes pour réduire la pollution plastique. « De plus, un comportement éco-responsable de chacun peut entraîner des changements positifs ».
Julia Hager, PolarJournal
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